L’accroissement du parc de logement à but non lucratif est, à multiples égards, la pierre angulaire d’une sortie durable de la crise du logement. Au-delà de cet enjeu dans lequel l’économie sociale doit jouer un rôle clé, plusieurs questions se posent sur le plan de la protection du patrimoine bâti et de l’aménagement du territoire.
Dans le secteur de l’immobilier comme dans bien d’autres secteurs, les effets négatifs des incitatifs de maximisation des profits et de logique spéculative se font bien sentir et génèrent des externalités dévastatrices pour la population, en particulier pour les personnes moins bien desservies et celles à faible revenu. Le modèle de l’économie sociale, pour sa part, est axé sur les besoins réels de la collectivité, et appuyé par une gouvernance démocratique inclusive des parties prenantes, laquelle est soucieuse des enjeux d’inégalités sociales et de la transition socioécologique.
Les entreprises d’économie sociale qui œuvrent dans le secteur de l’habitation abordable sont nombreuses et elles sont actives depuis très longtemps au Québec. De fait, elles ont développé une grande expertise dans le développement et la gestion de logements abordables. Le portrait statistique de l’économie sociale publié en 2016 par l'Institut de la statistique du Québec rapportait que plus de 1 650 entreprises d’économie sociale œuvraient dans le secteur de l’habitation, et 45 % d’entre elles existent depuis plus de 30 ans. Plus de 50 % des coopératives québécoises sont dans ce secteur d’activités. Ces entreprises desservent toutes sortes de communautés, y compris celles à plus faibles revenus et celles qui sont moins bien desservies par le marché locatif traditionnel.
Le secteur de l’habitation en économie sociale est également composé d’un grand nombre d’entreprises qui offrent des services d’accompagnement et des ressources techniques pour soutenir le développement et la gestion d’initiatives en immobilier collectif tout en tenant compte des besoins réels des communautés concernées. Ces entreprises offrent de la formation, des services-conseils et d’autres formes d’accompagnement pour réaliser toutes les étapes de mise sur pied d’un nouveau projet immobilier en économie sociale et c’est sur leur expertise que peuvent s’appuyer les porteurs et porteuses de nouveaux projets d’habitation communautaire partout à travers la province. Ces services spécialisés incluent également le partage d’expertise en architecture, en ingénierie, en urbanisme et en aménagement du territoire.
Bon nombre d’entreprises d’économie sociale ont pour finalité sociale de protéger, conserver et mettre en valeur le patrimoine bâti du Québec, dans une vision de service à la communauté par la création et le maintien de milieux de vie attrayants. On peut penser notamment aux nombreuses entreprises et initiatives qui visent à requalifier des lieux de culte pour les transformer en espaces multifonctionnels pour répondre aux besoins de la collectivité tout en maintenant la valeur patrimoniale inestimable de ces bâtiments historiques.
D’autres entreprises d’économie sociale se spécialisent dans la valorisation du patrimoine et offrent leurs services à divers organismes publics et collectifs, notamment par le biais de collaborations avec les municipalités régionales de comté (MRC).
Quelques entreprises d’économie sociale se spécialisent également dans les services de construction et de rénovation sans but lucratif. Ces entreprises permettent notamment d’offrir ces services à coûts réduits par rapport au marché traditionnel tout en conservant une sensibilité particulière à l’usage de matériaux et de méthodes de construction écoresponsables.
Une nouvelle vague de projets d’immobilier collectif ambitieux visent le développement de milieux de vie incluant à la fois des options résidentielles, d’autres formes d’immobilier collectif (ex.: accès à des locaux commerciaux, tiers-lieux et bâtiments multifonctionnels) et des initiatives pour la conservation du patrimoine naturel, la revitalisation des espaces publics et des lieux de socialisation communautaire, etc. Autrement dit, ces projets sont organisés autour d’une perspective de transformation du rapport au foncier et d’un aménagement du territoire axé sur les besoins particuliers d’une collectivité.